Pour une "mise en bouche" voici un article de Papus " QU’ EST-CE QU'UN INITIÉ " datant de Mars 1889 figurant dans la revue l' Initiation ancienne série.
Créée en octobre 1888 par Papus (Dr Gérard Encausse), elle a cessé de paraître en 1914 pour réapparaître en 1953 grâce à son fils le Dr Philippe Encausse, sa parution est trimestrielle, possibilité de vous abonner, infos en fin d' article.
Une des causes les plus fréquentes de l'obscurité apparente des études de science occulte, c'est sans contredit la confusion des termes employés par ceux qui traitent ces questions. Il est donc indispensable de bien définir tout d'abord les mots qu'on se propose d'employer, sous peine de tomber dans l'erreur que nous venons de signaler.
Peu de termes prêtent davantage à la confusion que. celui d'Initié. Les uns considèrent l'initié comme l’ être exceptionnel signalé avec vénération par tous les auteurs d'occultisme, les autres n'y voient qu'une signification bien moins élevée et qu'on peut appliquer assez généralement.
Il suffit de se reporter à l'acception primitive de ce mot pour voir que le dernier avis est le véritable. En effet, le titre d'initié dans l'antiquité indiquait simplement un homme instruit et les degrés d'instruction variaient suivant les cas sans que le titre général d'initié subit jamais le moindre changement.
L'initié aux petits mystères possédait une instruction équivalente à celle donnée de nos jours par l'Université; l'initié aux grands mystères apprenait successivement l'existence et le maniement des grandes forces occultes de la nature. Parvenu au summum de cette instruction, il prenait le titre de voyant, de prophète ou d'adepte.
Ainsi Initié et Adepte sont les deux termes qui désignent respectivement le commencement et l'apogée de la carrière de l'occultiste.
Tous les hommes instruits prenaient donc dans l'antiquité le titre d'initiés et les titres de fils de la fémme, fils de la Terre, fils des dieux, fils de Dieu (1) désignaient leur élévation hiérarchique dans l'ordre des connaissances humaines.
Sans vouloir nous attarder sur l'enseignement qu'ils recevaient, parlons cependant d'un point très important.
La doctrine enseignée était surtout synthétique et la recherche de l'Unité universelle leur était indiquée comme but de leurs efforts.
D'autre part, on leur apprenait à accommoder l'enseignement aux tempéraments divers des peuples qu'ils étaient chargés souvent d'organiser à titre de législateurs. C'est pourquoi nous voyons les lois d'Orphée, de Moïse, de Lycurgue, de Solon, de Pythagore être si différentes en apparence, alors que tous ces hommes ont puisé leurs enseignements à une même source. La perte de ces données conduit nos législateurs contemporains à la ruine et à l'asservissement des nations qu'ils veulent organiser toutes sur le même pied.
Le peuple possédait donc une religion ou une organisation sociale en rapport absolu avec son tempérament propre; ce qui était un excellent moyen de le rendre heureux; l'homme instruit; au contraire, savait pertinemment qu'il n'existait qu'une seule religion dont tous les cultes étaient des adaptations, comme les couleurs sont les aspects divers d'une seule et unique lumière blanche.
Aussi la guerre religieuse est-elle presque totalement inconnue dans l'antiquité, puisque aucun homme intelligent n'aurait pu même en avoir l'idée; le peuple seul était capable de ces enfantillages.
La société antique nous apparaît maintenant dans toute la splendeur de son organisation unitaire et nous comprenons pourquoi l'initié peut entrer dans tous les temples et sacrifier à tous les dieux, en communion avec les prêtres de tous les cultes qui reconnaissaient en lui le philosophe de l'unité au même titre qu'eux.
Les ignorants sectaires qui prétendent aujourd'hui parler de religion arguent à ces propos de Polythéisme sans comprendre que les chrétiens d'aujourd'hui apparaissent au chercheur naïf plus polythéistes qu'aucune autre secte.
Figurons-nous, en effet; un homme instruit mais ignorant de nos coutumes religieuses qui subitement serait appelé à faire une étude à ce sujet ne possédant comme guides que les monuments. Voyez si ses conclusions ne seraient pas celles-ci :
« La Religion de ces peuples curieux parait consister principalement dans l'adoration d'un vieillard, d'un supplicié et d'un pigeon. Tous leurs temples présentent ces images. Ils adoraient en outre plusieurs dieux qu'on retrouve sur leurs autels sous les noms de saint Laurent, saint Louis, etc. De plus, ils offraient des sacrifices de fleurs nouvellement écloses à une déesse qui semble être celle de la nature et qu'ils appellent Marie. On retrouve aussi plusieurs images d'animaux sur leurs autels, un chien, à côté d'un dieu inférieur, saint Roch, et même un porc accompagnant un autre dieu, saint Antoine. Il y aussi des cerfs (saint Hubert) des agneaux, etc. Ils semblent avoir particulièrement adoré cet animal qu'ils représentent très souvent couché sur un livre. »
Ces conclusions nous font rire et hausser les épaules; eh bien! quelle idée se ferait un initié antique, instructeur de Moïse ou de Pythagore, accusé par le savant contemporain d'adorer des oignons ou des crocodiles!
L'argument de polythéisme et d'idolâtrie ne prouve qu'une chose; c'est l'ignorance ou la mauvaise foi de ceux qui l'emploient. Il faut laisser ces moyens aux curés de campagne et aux membres de la sacrée congrégation de l'Index.
Le rôle de l'initié antique était avant tout social; les initiés formaient dans le monde entier une fraternité d'intelligence unie par une doctrine unitaire. C'est cette fraternité que toutes les sociétés secrètes ont pour but de reconstituer plus ou moins.
Mais tous ces travaux n'ont en somme pour nous qu'un intérêt secondaire. L'antiquité. pour toute aussi attrayante que soit son étude, n'excitera jamais tant notre attention que notre société actuelle. Aussi c'est là qu'il nous faut maintenant voir l'initié.
Disons tout d'abord qu'il est très facile d'être un initié. Il suffit pour cela de connaître les données les plus élémentaires de la Science Occulte et de comprendre, grâce à elle, la nécessité impérieuse de l'union fraternelle de tous les hommes. Ces données peuvent être acquises par le travail personnel ou pa¬r les sociétés d'initiation. Ceci demande quelques mots d'explication.
Si l'on a bien saisi la différence capitale que nous attribuons aux deux termes. d'initié et d'adepte, il est facile d'en déduire qu'on peut former jusqu'à un certain point des initiés; mais qu'on ne forme pas d'adeptes, les hommes, rares entre tous, qui parviennent à cet état ne peuvent le faire que par leurs propres forces.
L'idéal d'une société d'initiation est donc d'indiquer de son mieux à ses membres le chemin du perfectionnement sans pouvoir jamais aller plus loin que cette indication.
La doctrine enseignée doit surtout porter sur cette fraternité, source de tous les développements postérieurs de l'être humain.
Pratiquement la société doit faire tous ses efforts pour réaliser entre ses membres le but qu'elle poursuit et pour faire de chacun d'eux un apôtre militant et, partant, un véritable initié.
Deux grands moyens sont employés pour l'enseignement dans l'initiation ; ces moyens différenciant particulièrement les écoles d'initiation de source orientale d'avec celles de source occidentale, indiquent très facilement la provenance d'un centre occulte.
L'Oriental opère surtout par la méditation, c'est-à dire que le but à atteindre étant de faire créer par chaque individu sa doctrine synthétique, sa manière de voir l'Univers et sa constitution, l'Oriental donne à son élève un texte très court et très synthétique sur lequel l'élève doit méditer de longues semaines, souvent de longs mois. Le résultat de cette méditation c'est de dégager peu à peu les principes analytiques contenus dans le verset et de créer une doctrine en la faisant pour ainsi dire sortir de soi-même.
L'Occidental procède d'une façon différente. Il donne tout d'abord à son élève une foule de volumes sur la question et c'est quand celui-ci en a lu un très grand nombre qu'il le pousse à condenser toutes ces opinions et toutes ces idées différentes dans un résumé synthétique.
On aboutit des deux parts au même résultat: l'Oriental en développant un texte synthétique, l'Occidental en condensant des textes analytiques.
Disons enfin que certaines sociétés pratiquent à la fois ces procédés en les échelonnant graduellement.
Quoi qu'il en soit, le premier, je dirai même l'unique but cherché, est de pousser l'élève à se créer lui-même une doctrine personnelle.
Peu importe tout d'abord que cette doctrine soit en tous points excellente ou non. L'important c'est qu'elle existe. La Société donnant les bases générales évite ainsi les erreurs fondamentales.
L'initié ayant ainsi une création personnelle la modifie selon les études ultérieures.
On voit par là l'inanité des enseignements donnés par les sociétés d'occultisme qui ont totalement perdu cette base indispensable. La Franc-Maçonnerie en est un exemple frappant. Elle a voulu pratiquer la fraternité universelle sans créer d'abord des hommes capables d'en comprendre la portée. Aussi n'a-t-elle pas tardé à se transformer en corps politique et touche-t-elle à sa dissolution, si elle ne revient pas énergiquement à son but primitif par une rapide réorganisation.
L'utilité sociale des initiés est incontestable. Qu'on songe à la grandeur possible des générations futures si l'unité se réalise.
Le socialiste veut agir sur les masses pour réaliser la fraternité dont il a si bien senti la nécessité. L'initiation s'adresse avant tout aux intelligences moins nombreuses; mais plus utiles comme action.
Le jour où le prêtre catholique, devenu un initié, saura recevoir dans son église, comme un égal, l'initié orthodoxe, l'initié musulman et l'initié boudhiste, la fraternité des peuples sera bien prêt de se réaliser pratiquement.
Ce jour est peut-être bien loin ; peut-être au contraire approche-t-il plus vite que nous ne pensons. Est-il téméraire d'espérer en cette union des peuples ?
Il est possible que ce soit en effet une utopie, un idéal auquel jamais nous n'atteindrons ; mais par ce temps de positivisme à outrance il est si consolant de vivre dans l'idéal que, ma foi, je ne me repens pas de rêver l'union des initiés précédant d'un peu l'union de tous les hommes dans la paix et l'harmonie.
(1) Voy. La Mission des Juifs de Saint-Yves d’ Alveydre.
Article signé Papus.
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(DOC.ILLUSTRATION : couverture du N° 1 de l' époque).
Source : revue l’ Initiation, ancienne série, 2ème volume-2ème année, N° 6 de MARS 1889, page 193 à 199.
Publication :
Directeur : PAPUS
Rédacteur en chef : George MONTIERE
Secretaires de la rédaction : C . BARLET . J. LEJAY.
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La revue L’Initiation est la revue de référence de la Tradition initiatique occidentale et gnostique dont le martinisme est un des plus fidèles représentants. Créée en octobre 1888 par Papus (Dr Gérard Encausse), elle a cessé de paraître en 1914 pour réapparaître en 1953 grâce à son fils le Dr Philippe Encausse.Sa parution est trimestrielle.
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mardi 22 décembre 2009
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