mardi 1 juin 2010
Le maître inconnu - CAGLIOSTRO
La collection Reflets du Passé est heureuse de vous présenter une réédition d’un ouvrage incontournable, sur un personnage qui ne l’est pas moins.
Présentation de l’éditeur :
Giuseppe Balsamo, comte de Cagliostro, est un aventurier italien du XVIIIe siècle, né à Palerme en Sicile, le 2 juin 1743.
Il est connu comme thaumaturge, alchimiste, mais surtout pour avoir propagé (voire inventé) une nouvelle franc-maçonnerie égyptienne.
Cagliostro est arrêté le 27 décembre 1789 à Rome, accusé de maçonnerie, d’hérésie et de pratique de la magie.
Un autodafé à Rome le 4 mai 1791 détruit tous ses objets personnels : décors maçonniques, diplômes, archives.
Emprisonné au château Saint-Ange, condamné à mort – peine commuée en perpétuité – il décède en captivité le 26 août 1795 dans la dans la prison pontificale de la forteresse de San Leo en Italie.
À la manière d’un pionnier, en exhumant sa mémoire, le Dr Marc Haven a ouvert avec sincérité une voie que d’autres historiens continuent d’arpenter avec plus ou moins de réussite et de rigueur.
L’éclairage très personnel de l’ouvrage, entre relais et lien intemporel, tente peut-être d’apporter une réponse à la question initiale : maître inconnu de quoi ?
Emmanuel Marc Henry Lalande (Marc Haven, 1868-1926) devient membre du Conseil Suprême de l’OKRC (l’Ordre Kabbalistique de la Rose Croix) dans lequel il est reçu Maître kabbaliste en 1893 par Papus et Stanislas de Guaita (1861-1897).
Supérieur Inconnu dans l’Ordre Martiniste, il remplace Maurice Barrès (1862-1923) au sein de son suprême conseil (qui comptait symboliquement douze membres).
Introduction (extraits) :
Avant d’évoquer Le maître inconnu Cagliostro, (Étude historique et critique de la haute magie, Paris, 1913), il convient de revenir succinctement sur les vies en forme de destins croisés du biographe Emmanuel Marc Henry Lalande (Marc Haven,1868-1926) et de son sujet, le comte Guiseppe Balsamo dit Alexandre Cagliosto (1743-1795). (Précisions empruntées pour partie à Un Dictionnaire du Martinisme, éditions Dualpha, 2009).
Emmanuel Lalande est né le 24 décembre 1868 à Nancy où son père est le censeur d’un lycée. Il quitte la Lorraine en 1887, pour rejoindre Paris où il entame des études de médecine.
Attiré depuis sa plus tendre enfance par les mystères de l’ésotérisme, il n’hésitera pas en 1906, à présenter une thèse sur la vie et l’oeuvre du médecin alchimiste Arnau de Vilanova (Arnaldo de Vilanova, 1238-1311).
En 1891, il découvre le cercle de la librairie du Merveilleux, se liant avec les nombreux habitués des lieux dont Gérard Encausse, (Papus, 1865-1916) et Yvon Le Loup (Sédir, 1871-1926).
Il devient membre du Conseil Suprême de l’O.K.R.C. (l’Ordre Kabbalistique de la Rose Croix) dans lequel il est reçu Maître kabbaliste en 1893 par Papus et Stanislas de Guaita (1861-1897).
Il épouse le 1er septembre 1897 Jeanne-Marie Victoire (1878-1904) fille d’Anthelme Nizier Philippe (1849-1905, mystique et guérisseur) dit Maître Philippe de Lyon, propagateur d’une forme de spiritualité judéo-chrétienne, le véritable « supérieur inconnu » selon Papus.
Parrain du fils de Papus (Philippe Encausse, 1906-1984), dont il deviendra le tuteur moral au décès son père en 1916.
Supérieur Inconnu dans l’Ordre Martiniste, il remplace Maurice Barrès (1862-1923) au sein de son suprême conseil (qui comptait symboliquement douze membres).
Sous son nom de plume, il signe :
Explication inédite d’une planche de Kunrath (1892),
La vie et les œuvres d’Arnauld de Villeneuve (1896),
Il signe la présentation de L’Évangile de Cagliostro (1910, un témoignage anonyme intitulé Liber memorialis de Caleostro cum esset Roboreti),
Cagliostro, le maître inconnu (1913),
La Magie d’Arbatel suivi d’un Rituel de la Maçonnerie Égyptienne (éditée à titre posthume en 1946).
Le fondateur de L’Entente Amicale Evangélique (Psychométrique) Georges Descormiers, (Phaneg,1866-1945) publie un portrait de Marc Haven en forme d’hommage dans la revue Le voile d’Isis (n°83, novembre 1926).
Extraits : « (…) Le Dr Marc-Haven, après 30 années d’intolérables douleurs, vient de mourir à la terre pour recueillir enfin cette couronne et revêtir cette robe blanche promise aux élus et si bien méritée. (…) Je dirai donc seulement ce que je crois avoir deviné, pressenti de cet Être de Lumière. Si je me rapporte à quelques années en arrière, à l’époque où j’ai eu en main, en classant les papiers de Papus, un certain nombre de lettres que lui adressait Marc-Haven, j’y trouve la preuve certaine d’une amitié fraternelle profonde, mais surtout la certitude que, dès 1889, peut-être même avant, Marc-Haven avait compris la valeur immense de I’Évangile, la totale et définitive Puissance du Christ. Non seulement en son coeur, mais en son intelligence aiguë, il avait réalisé que la parole directe de Jésus renferme tous les mystères de cette Kabbale dont il avait approfondi les secrets. Il écrivait souvent à Papus : “Sois donc Chrétien avant tout.”
Je suis bien persuadé qu’avec Barlet, Sédir, Guaita et les frères de la R.-C. que ce dernier avait organisés, son attitude fut la même. De bonne heure, du reste, Marc-Haven donna sa démission de cette société, comme aussi du Martinisme de Papus. Il voulait se consacrer à l’action solitaire et personnelle, et c’est, dans le silence qu’il approfondit la Kabbale, l’Alchimie, toutes les sciences.
(…) Il y a quelques mois Marc-Haven m’écrivait : “Voyez-vous, ce n’est pas seulement au Thabor qu’il faut suivre le Christ, mais jusqu’au sommet du Calvaire, et là, ne pas attendre qu’un Ange vienne nous délivrer.”
Eh bien ! Il l’a péniblement monté, lui, ce Calvaire ; pendant 30 années, il a étendu ses mains et ses pieds sur la Croix pour que les clous entrent. Seuls les rares amis à qui il a ouvert son coeur ensanglanté pourront se douter de ce qu’il a souffert, très probablement pour nous et pour la France... Et maintenant, crions notre joie d’être sûrs de savoir qu’actuellement tout est oublié ! (…) À cet ami, à ce maître spirituel, au résigné sublime plus fort que la douleur, nous disons au revoir ! Que sa puissante main nous soutienne, nous qu’il a laissés encore pour un peu de temps dans les ténèbres de ce triste monde. »
(Sur le sujet, l’hommage collectif Marc Haven publié en 1934 chez l’éditeur Henri Dangles reste à ce jour le témoignage le plus complet avec les collaborations de Mme Emmanuel Lalande, André Lalande, Lucien Chamuel, Jules Legras, J. Durand, Justin Maumus).
Guiseppe Balsamo fut connu comme thaumaturge, alchimiste, mais surtout pour avoir propagé (voire inventé) une nouvelle franc-maçonnerie égyptienne.
Né à Palerme le 2 juin 1743, il épouse à Rome Lorenza Feliciani (1754- ?), surnommée Sérafina.
Grand voyageur, il parcourt l’Italie, Malte, l’Angleterre, la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Russie, la Pologne…
Il reçoit les trois premiers grades maçonniques le 12 avril 1777 dans la Loge anglaise L’Espérance à Soho.
Il prétend découvrir chez un nommé Coston (ou Cofton) à Londres, des manuscrits inhérents à la pratique d’un Rite Égyptien.
Il visite de nombreuses Loges maçonniques : La Parfaite Égalité en 1777 (à Liège), L’Indissoluble en 1778 (à La Haye), Minerve aux Trois Palmiers (à Leipzig).
Il rencontre Jean-Baptiste Willermoz à Lyon et tente, sans réussite, une mainmise sur sa Loge La Bienfaisance.
Le 29 ou 30 janvier 1785, il s’installe à Paris dans un hôtel particulier à l’angle du boulevard Beaumarchais et de la rue Saint-Claude. (Sur ce sujet, l’historien Alexandre Gady réfute dans son ouvrage Le Marais, guide historique et architectural (Éditions Le Passage) cette adresse parisienne.
Il fonde la Loge d’adoption Isis qui comptera parmi ses membres :
Mme de Flamarens (1752-1810) qui inspira Voltaire dans ses Poésies mêlées.
Mme de Polignac (Yolande Martine Gabrielle de Polastron 1749-1793), Mme de Brienne (citée parmi les proches du comte de Saint-Germain dans la Correspondance Littéraire, Philosophique et critique de Grimm et de Diderot, tome X, p.448), Mme de Choiseul (née Louise Honorine Crozat du Châtelet, marquise de Kerman, veuve d’Étienne-François, duc de Choiseul, Premier ministre de Louis XV, 1737-1799).
L’ouverture de cette Loge est relatée par Gérard de Nerval, dans Les illuminés, Récits et portraits, Paris, 1852, pp. 299-318.
Son épouse est alors Grande Maîtresse des Loges féminines.
Mais les heures sombres se profilent, Cagliostro est arrêté le 27 décembre 1789 à Rome, accusé de maçonnerie, d’hérésie, et de pratique de la magie.
Un autodafé (à Rome le 4 mai 1791) détruit tous ses objets personnels : décors maçonniques, diplômes, archives.
Emprisonné au château Saint-Ange, condamné à mort, peine commuée en perpétuité, il décède en captivité le 26 août 1795 dans la forteresse de San Léo en Italie, située dans la région des Marches (proche d’Ancône).
Sur sa biographie initiatique, il laisse un Rituel de la Maçonnerie égyptienne.
Des extraits de ce rituel sont publiés pour la première fois dans la revue L’Initiation en 1906, 1907, 1908.
Son système maçonnique de hauts grades (5 degrés) s’ouvre aux maîtres ayant vingt-cinq ans révolus.
Deux Loges Mères du Rite Égyptien sont fondées à Lyon, et pour les pays helvétiques à Bâle.
Ce Rite, qui va attirer les foudres du Vatican sur Cagliostro, n’est pas chrétien, ni anti-chrétien, il est juif dans le sens où il abandonne la référence chrétienne, inversement à tous les autres systèmes maçonniques.
Pour Cagliostro, l’athéisme semble guetter la maçonnerie, il voit paradoxalement dans la pratique de ce nouveau Rite, un possible retour vers la Foi.
Robert Amadou analyse cette perception maçonnique, faisant de la doctrine Cagliostro une vraie révolution initiatique : « Le Grand Cophte penserait unicité et unité de Dieu dans une acception judéo-islamique. » (In notice biographique sur Cagliostro, Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, sous la direction de Daniel Ligou, Presses Universitaires de France).
Le développement voulu par Cagliostro, dans sa démarche maçonnique, introduit le principe si cher à Martinès de Pasqually (1727-1774) : la réintégration.
Ce principe repose sur la pratique de la philosophie naturelle dans laquelle l’Alchimie et l’évocation des esprits sont présentes (via l’intervention d’un médium).
La pratique de la théurgie amène le maçon du Rite Égyptien à pénétrer le sanctuaire de la Nature, pour pouvoir accéder, au terme du parcours, à la régénération physique et spirituelle.
« La maçonnerie égyptienne représente la perfection de la philosophie naturelle et surnaturelle, qui s’acquiert par le culte et la pratique de la religion parfaite que l’Éternel a accordée par le pouvoir d’un chéri, ou élu de Dieu. »
Cagliostro compta néanmoins de nombreux sceptiques : Louis Moreau illustre cette défiance avec une ironie mêlée au doute : « (…) Cagliostro exploite la crédulité d’une époque incrédule. » (in Examen des doctrines du Philosophe Inconnu, Louis-Claude de Saint-Martin, Le Correspondant, Tome XIV, Paris, Librairie de Sagnier et Bray, 1846, p. 496).
Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) cynique, confie après une rencontre dans la ville de Lyon, qualifiée de houleuse avec Cagliostro : « Je crois que c’est un homme qui n’a point de connaissances positives ou qu'il n’en a que de dangereuses. »
Sur le rite et la mixité, René Le Forestier (1868-1951) préfère évoquer « (…) Une parade magico-maçonnique » (in La Franc-Maçonnerie templière et occultiste aux XVIIIe et XIXe siècles, p.768) citant une consécration de loge « androgyne » à Mitau (Pays-Bas).
Pour Albert Lantoine (1869-1949) « (…) C’est une atmosphère saturée de mysticisme » qui permit à Cagliostro « de s’imposer »… (In Histoire de la franc-maçonnerie française : la franc-maçonnerie chez elle, 1925, p. 217).
Le Maître inconnu Cagliostro est-il un ouvrage trop complaisant ?
Son titre engagé est-il une volonté de l’auteur ?
Le mage n’hésitait pas à se présenter à ses contemporains comme le grand maître inconnu.
Sur le fond, certains critiques considèrent qu’en faisant l’apologie de Cagliostro (un « envoyé du ciel, apôtre puis martyr ») le propos de Marc Haven perd en crédibilité.
Ce manque de partialité est aujourd’hui à replacer dans un contexte historique général mis en relation avec une forme d’hagiographie propre aux récits réclamées par les occultistes de la Belle Époque.
À l’image d’un Papus ébauchant un roman, jamais terminé : Cagliostro et les mystères de la Révolution Française, avant de l’intégrer dans la mémoire collective du Martinisme comme pour mieux marquer une intemporalité initiatique.
Le rituel dit de Teder (Charles Détré, 1855-1918) précisant dans La Troisième chambre d’instruction : « (…) Aie toujours présent à l’esprit le sort des Grands Initiateurs qui ont essayé, même avec les meilleurs intentions, de lever devant la multitude, un coin du Voile Sacré d’Isis : (…) Paracelse, Cazotte, Cagliostro, Saint-Martin, Wronski (…). Et des centaines d’autres martyrs ignorés de la Science Royale et Sacerdotale et dont les Lois sont inexorables. » (P. 93, Éditions Télètes, 2002).
À la décharge de Marc Haven, convenons que la nécessité du mythe n’est pas propre à la société du XIXe siècle, et que son travail ne souffre d’aucune trace de connivence capable de passer pour de l’idolâtrie.
Il existe pourtant dans ces pages une forme appuyée de communion spirituelle à l’image d’une fusion entre un sculpteur et son modèle.
Ce travail n’est donc pas, on s’en doute, un récit historique impartial, plus sûrement une biographie sur des sentiments partagés dans une expérience qui se voudrait commune.
L’exposé sur un homme complexe reste pourtant inachevé, ici comme ailleurs.
Les auteurs qui se sont sérieusement attaqués au sujet ont rencontré les mêmes écueils sans que l’on puisse venir les suspecter d’une quelconque bienveillance à l’égard du Grand Cophte.
En cela le docteur Lalande, l’ami de Maître Philippe aura été un précurseur, avec ses défauts et ses qualités, dans une démarche initiale de nature existentielle.
Cette osmose avec le sujet, cette communauté d’idées, manière d’appréhender la vie sur Terre, semble aller de pair avec l’intimité du vrai Balsamo.
Un homme difficile à cerner : alchimiste, théurge, mage, kabbaliste, franc-maçon, ou magicien ?
Difficile de résumer toutes ses facettes, entre manipulations, lutte de pouvoir et réseaux d’influence.
Il faut pourtant garder à l’esprit (rétroactivement) un fait incontournable, suffisamment troublant : le maître reconnu vivait de son art, preuve de son génie ou pour ses détracteurs, de sa personnalité hors normes.
Derrière l’exotisme de l’homme soigneusement entretenu par une vie théâtralisée à l’excès, on serait tenté de trouver ses adeptes épris de merveilleux quelque peu décalés dans le siècle des Lumières.
Signe d’une noblesse au bord de l’abîme, d’une bourgeoisie naissante attirée par la rumeur ou par la lumière.
Une étude sociale des fidèles du Grand Cophte apporterait une réponse à ces faiblesses argumentaires, là ou Emmanuel Lalande préfère, d’une manière plus subtile, développer la voie cardiaque.
À la manière d’un pionnier, en exhumant sa mémoire, il a ouvert avec sincérité une voie que d’autres historiens continuent d’arpenter avec plus ou moins de réussite et de rigueur.
L’éclairage très personnel de l’ouvrage, hésitant entre relais et lien intemporel, tente peut-être d’apporter une réponse à la question initiale : maître inconnu de quoi ?
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Envoyé par R.R dans reflets du passé le 6/01/2010 08:43:00 AM
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