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*** ci-dessous "Livres-mystiques".: un hommage à Roland Soyer décédé le 01 Juin 2011

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lundi 14 septembre 2015

1er décembre 1901 : Les grands visionnaires Louis claude Claude de Saint-Martin (1743-1803)

Source.: L'Écho du merveilleux 
revue bimensuelle / 
directeur : Gaston Mery

Claude de Saint-Martin
Si l’on considérait l’humanité comme une suite de générations se tenant par la main, et que chaque génération fût représentée par un homme ayant vécu une moyenne de cinquante ans, on pourrait dire, presque sans hyperbole, avec le comte de Saint-Germain : « Je suis âgé de plusieurs siècles ; j’ai vécu dans l’intimité de François 1er ; je suis contemporain de Jésus-Christ. »

IL ne faut pas plus, en effet, de six existences d’hommes pour remonter à l’époque de Charles-Quint et quarante suffisent pour se dire contemporain de l’ère moderne.

C’est ainsi, du reste, qu’on pourrait rassembler, comme au fond des temples initiatiques, les grands hommes, qui ont pu, depuis l’antiquité la plus reculée, se passer, de maitre à disciple, le flambeau de la Science intégrale qui a brillé à l’aube des premières civilisations pour se conserver de plus en plus étincelant, dans les groupes occultistes et ésotériques de nos jours.

Le dénombrement même n’en serait pas excessif, car en cette assemblée fraternelle de hauts esprits ; on y verrait — pour n’en citer que quelques-uns — Saint-Germain converser avec Paracelse ; Cagliostro coudoyer Albert-le-Grand ; Swedenborg s’entretenir avec Platon, Le Pic 
de la Mirandole calculer avec Pythagore, Eliphas Levi prophétiser avec saint Jean, et Claude de Saint-Martin soutenir la théorie de l’Unité avec Hermès.

Or, d’Hermès à Saint-Martin, le cycle semblait clos, mais Saint-Martin en rouvrit un nouveau, avec une science plus développée qu’au temps des mystères d’Isis et dans lequel on arrivera peut-être à résoudre le problème de l’Inconnu.

La vie de ce théosophe remarquable est toute en dedans, et son œuvre même, enténébrée parfois, comme à plaisir, ne peut être comprise que des seuls initiés qui savent en décortiquer les fruits, et se nourrir de sa sève puissante et douce, en laquelle circulent la rénovation et l’amour de l’humanité.

Saint-Martin naquit à Amboise, en 1743 et sa jeunesse fut comme 
enveloppée, sans en être étouffée pourtant, par le formidable tourbillon 
d’idées que le XVIIIe siècle mit en mouvement avec Voltaire, Montesquieu, Diderot, J. J. Rousseau, d’Alembert, et tout le groupe bruyant des sceptiques et des démolisseurs de l’Encyclopédie.

Avocat à Tours pendant quelque temps, il obtint — sans vocation cependant pour l’état militaire, — une lieutenance au régiment de Foix, à Bordeaux.

Là, il fit connaissance avec Martinez Pasquallès, le premier fondateur de l’ordre martiniste, et se fit initier par lui au rite des Élus, mais les pratiques théosophiques de l’ordre de Martinez lui semblant compliquées à plaisir, il se retira bientôt du groupe ; trop matérialiste à son gré, et préféra agir seul.

C’est alors qu’il prit gout, pour élaborer ses pensées profondes, à la solitude austère, et au continuel recueillement, voulant appliquer, autant que possible, quoiqu’il ne fût pas hermétiste, les conseils judicieux d’Albert le Grand qu’il résumait lui-même en cette sévère pensée :

« L’ombre et le silence sont les asiles que la vérité préfère. »

Son premier livre : Des erreurs et de la vérité, par un philosophe inconnu, excita une vive curiosité ; l’étonnement même fut extrême, car si cet ouvrage contenait des pensées claires et à la portée de tous, il en cachait d’autres, en des raccourcis sibyllins, que l’esprit non averti ne pouvait saisir.

Il le disait lui-même en ces termes étranges :« Le petit nombre des hommes, dépositaires des vérités que j’annonce, est voué à la prudence par des engagements formels.

Aussi, me suis-je promis d’user de beaucoup de réserve dans cet écrit, et de m’y envelopper d’un voile que les yeux les moins ordinaires ne pourront percer, d’autant que j’y parle quelquefois de toute autre chose que de ce dont je parais traiter. »

Mais voici que dans un autre ouvrage : Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’Homme et l’Univers, il s’élève tout de suite, et dès la première page, à la plus haute explication initiatique :

« Les Vérités fécondes et lumineuses, dit-il, existeraient moins pour le bonheur de l’homme que pour son tourment, si l’attrait qu’il se sent pour elles était un penchant qu’il ne pût jamais satisfaire. Ce serait même une contradiction inexplicable, dans le premier Mobile, auquel 
tiennent radicalement ces vérités, qu’ayant voulu les dérober à nos regards, il les eût écrites dans tout ce qui nous environne, ainsi qu’il l’a fait dans la force vivante des éléments, dans l’ordre et l’harmonie de toutes les actions de l’Univers, et plus clairement encore, dans le caractère distinctif qui constitue l’homme. »

Saint-Martin tend à prouver que l’homme ne peut périr, que son esprit est immortel : il dérive de l’unité, donc il est l’unité même, tandis que la matière, dérivant d’un principe secondaire, sera fatalement détruite. Et il le démontre en ces termes éloquents :

« Tout se réunit pour démontrer la supériorité de l’homme, puisqu’il trouve dans ses propres facultés de quoi s’élever jusqu’à la démonstration du principe actif et invisible dont l’univers reçoit l’existence et ses lois ; puisque dans les œuvres même matérielles qu’il a le pouvoir de produire, il trouve la preuve que son Être est d’une nature impérissable.

« Qu’on n’oppose point à ces réflexions les actes sensibles et matériels 
qui sont communs à l’homme et à la bête, en parlant de ses œuvres, nous 
n’avons point eu en vue ces actes-naturels qui l’assimilent aux animaux, mais ces actes de génie et d’intelligence qui les distingueront toujours par des caractères frappants et par des actes exclusifs : « Cette différence de l’Être intellectuel de l’homme avec son être, sensible ayant été démontrée avec une entière évidence, nous nous bornerons à faire remarquer que nous ne pouvons faire exécuter la moindre de nos 
volontés sans nous convaincre que nous portons partout avec nous-mêmes le Principe de l’Être et de la Vie. Or, comment le Principe de l’Être et de la Vie pourrait-il périr ? »

Après cette exposition lumineuse, Saint-Martin ne peut admettre — à l’exemple des manichéens — que Dieu ait créé le mal, et il l’explique, comme suit, d’une façon fort rationnelle :

« Les influences du soleil varient sans cesse dans notre atmosphère : tantôt les vapeurs de la région terrestre nous les dérobent ; tantôt la fraicheur des vents les tempère et les arrête : l’homme même peut augmenter ou diminuer localement l’action de cet astre, en rassemblant 
ou en interceptant ses rayons.Cependant, l’action du soleil est toujours la même : il projette sans 
cesse autour de lui la même lumière ; et sa vertu active se répand toujours, avec la même force, avec la même abondance, quoique, dans notre région inférieure, nous en éprouvions si diversement les effets.

« Tel est le vrai tableau de ce qui se passe dans l’ordre immatériel. Quoique les Êtres libres distincts du grand Principe puissent écarter les influences intellectuelles qui descendent continuellement sur eux ; quoique ces influences intellectuelles reçoivent peut-être dans leur 
cours quelque contre action, qui en détourne les effets, celui qui leur envoie ces présents salutaires ne ferme jamais sa main bienfaisante. Il a toujours la même activité. Il est toujours également fort, également puissant, également pur, également impassible aux égarements de ses 
productions libres, qui peuvent se plonger d’elles-mêmes dans le crime et enfanter le mal par le seul droit de leur volonté.

« Il serait donc absurde d'admettre aucune participation de l’Être divin 
aux désordres des Êtres libres et à ceux qui en résultent dans l’Univers 
; en un mot, Dieu et le mal ne peuvent jamais avoir aucun rapport. »

Il ajoute :

« Il n’y a que trois classes d’Êtres : Dieu, les Êtres intellectuels et 
la nature physique : si l’on ne peut trouver l’origine du mal dans la 
première, qui est exclusivement la Source de tout bien ; ni dans la dernière, qui n’est ni libre ni pensante ; et que cependant, l’existence du mal soit incontestable, on est nécessairement forcé de l’attribuer à l’homme ou à tout autre être tenant comme lui un rang intermédiaire. »

Où trouver une explication plus sensée et plus profonde des causes du bien et du mal ?

Mais l’homme, qui a engendré le mal, en s’écartant du vrai Principe, 
reste libre malgré tout : il peut donc réagir ; et la vision de l’avenir 
envisagée [L’ÉCHO DU MERVEILLEUX 447] par Saint-Martin avec un regard de génie, c’est la plus belle et la plus haute partie de son œuvre. Il voit 
les êtres intellectuels qui peuvent protéger l’homme tombé ; il appelle les agents intermédiaires qui doivent le remettre en la vraie voie.

« Ce n’est, dit-il, que de l’union générale et du vaste assemblage de tous ces agents purs et intermédiaires qui, planant au-dessus du monde sensible, tendent à vous seconder, à vous défendre, à vous environner, que vous pouvez vous élever comme eux avec sécurité, et avec une 
véritable lumière, jusqu’à cette Unité universelle qui les domine et qui les vivifie tous. »

Ici, son explication du monde suprasensible se rapproche quelque peu de 
celle de Jacob Boehme et de Swedenborg, ses deux illustres précurseurs ; 
mais dans le Tableau Naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers, il y a un ensemble plus complet : livre d’une vision intense qui cherche la raison des choses sensibles dans le Principe, et qui monte graduellement en ses vingt-deux chapitres composés sur les clés des vingt-deux arcanes du Tarot, vers le plus haut Spiritualisme auquel on eût jamais atteint.

Telle est, à peine esquissée, l’explication de l’œuvre profonde de Saint-Martin, dit le « Philosophe inconnu. » 
Sa vie est adéquate à son œuvre. Arrêté pendant les derniers soubresauts 
de la Révolution, il fut sauvé par le mouvement du 9 thermidor ; mais il s’occupait peu des dangers qu’il aurait pu courir : il avait atteint à la sérénité définitive de la paix du cœur.

Enfin, il termina ses jours dans le recueillement le plus complet, expliquant et prouvant que les clés d’argent qui ouvrent les portes de la science ordinaire ne sont rien en comparaison des clés d’or que nous avons en nous et qui ouvrent les portes du Temple sacré — le Temple de l’Idéal — où l’Isis éternelle est à jamais débarrassée de — son voile et, le front étoilé, resplendit devant les regards éblouis des initiés et des penseurs.


EMILE MARIOTTE


Source : forum de MaitrePasses: maitrespasses@yahoogroupes.fr
Mariette Cyvard