Je veux
ajouter ma part de vérité, qui n’est pas, elle, issue de délires
fantasmagoriques et vindicatifs, au feuilleton du « fonds
Amadou ». Ce qu’on appelle pour faire court le « fonds
Amadou » mais qui n’était pas composé seulement de livres
et de documents mais aussi de meubles et d’appareils ménagers, a
été rapatrié de Grèce en 2003 aux frais d’un frère et conservé
dans un entrepôt Calberson en région parisienne, toujours aux frais
du même frère. Puis Calberson exigea le départ de ce dépôt
encombrant, et ce frère le fit transporter chez un sien ami dans le
nord de la France, qui accepta de l’abriter gratuitement. Les
conditions du stockage ne furent alors pas les meilleures : une
simple grange munie d’un toit et de parois, mais sans porte, où
l’humidité causa des dégâts. En octobre 2005, je fus prévenu
par ce frère que son ami voulait se débarrasser au plus tôt de ce
dépôt encombrant. Si Henri M. n’avait pas répondu sur le champ à
mon SOS angoissé, s’il n’avait pas fait enlever en urgence ces
22 palettes et ne les avait pas fait transporter en Provence, le tout
à ses frais, leur contenu aurait été jeté à la benne dans un
délai de 48 heures. Et ce fameux fonds Amadou sur lequel tant de
larmes de crocodile sont maintenant répandues n’existerait tout
bonnement plus. Durant tout ce temps, personne ne se préoccupa de
savoir qui payait et combien.
Cette
situation de fait paraissait normale à tout un chacun – sauf au
payeur. Puis vint un moment où les ressources d’Henri M. se
trouvèrent drastiquement amputées du fait de circonstances qu’il
n’y a pas lieu de conter ici, et il se trouva en peine d’acquitter
le loyer du stockage. D’où un nouveau déménagement, dans un
local professionnel moins coûteux mais auquel beaucoup de personnes
avaient accès. La tentation lui vint alors, et il ne sut hélas pas
y résister, de commencer à se rembourser de ses débours, qui se
montaient en gros, déménagements et loyers inclus, à plus de 50
000 €. Il commit alors une double faute : ce qu’il faut bien
qualifier de vol, et aussi, par une fierté mal placée, de ne s’être
pas ouvert à ses amis intimes de cette situation à laquelle ils
auraient pu l’aider à trouver des solutions. Depuis lors, ce qui
subsiste du fonds et qui est tout de même l’essentiel (car environ
le cinquième des livres a été soustrait – ce qui est beaucoup,
mais n’est pas la totalité) est à l’abri dans un local sûr
auquel seules ont accès les personnes autorisées. Tels sont les
faits. Maintenant les commentaires. On s’est cru autorisé à
accuser Henri M. d’avoir monté une opération fructueuse,
« juteuse »a-t-on écrit. Croit-on vraiment, si ç’avait
été le cas, qu’il aurait autant attendu et autant dépensé avant
de la réaliser, cette opération ? A l’occasion de cette
affaire, j’ai découvert (on apprend à tout âge) une conception
nouvelle de la fraternité. Je pensais naïvement que la fraternité
maçonnique et surtout la fraternité chevaleresque (c’est même
dit dans le rituel d’armement d’un chevalier) consistait à jeter
le manteau de la charité sur les fautes de ses frères. Eh bien
non ! la fraternité new look consiste à accabler le frère
fautif, d’abord à le dénoncer publiquement et ensuite à le
couvrir d’opprobres. Et je songe à part moi que, lors de l’épisode
de la femme adultère, tous ces vertueux frères auraient ramassé
des pierres à pleines mains ! Autre découverte : en
application d’une conception renouvelée de l’antique notion de
culpabilité collective, on a jeté une suspicion généralisée sur
l’institution à laquelle appartenait Henri M. en insinuant qu’elle
aurait été complice de ce vol, ou même, pourquoi pas ? son
instigatrice. On ne s’est pas préoccupé de savoir - et même si
on savait on ne s’en est pas non plus préoccupé – si des
membres de ladite institution ne se sont pas employés, d’abord à
mettre fin à ce provisoire qui durait insupportablement, ensuite à
réparer les dégâts qui pouvaient l’être. Plusieurs solutions
ont été avancées qui toutes ont été repoussées, par Robert de
son vivant, puis par Catherine. Je n’en dis pas plus. J’ai confié
tous les détails de l’affaire à des frères de confiance. Si les
sycophantes veulent en savoir davantage, qu’ils mettent en branle
leurs espions. Il n’est pas dans mon intention, je le répète, de
disculper Henri M. de sa faute. Mais je n’entends pas non plus
disculper ceux qui le poursuivent de leur haineuse vindicte dans le
plus profond oubli et mépris des commandements évangéliques. Ces
charognards qui s’acharnent sur la bête blessée m’écœurent.
Je ne les qualifie pas de faux frères ni de tristes sires, car il y
a dans ces expressions deux vocables, « frères » et
« sires » qui ne peuvent leur être appliqués qu’avec
répugnance. Ce sont simplement des êtres immondes. Ils ne méritent
que « le mépris de tous les frères ». Ils ont le mien.
Jean-François Var 7
juillet 2013