Par M. De Saulcy
La colonne qui supporte la maîtresse poutre offre
au chapiteau des traces non équivoques d’une teinte d’un vert très-vif, qui fut
jadis appliqué sur les feuillages dont il est orné. J’arrive enfin à cette
curieuse poutre : sa face inférieure, bordée de jaune, présente sur toute sa
longueur une large zone blanche recouverte d’une série de rubans rouges ondulés
parallèlement. La face de gauche offre un combat ; de nombreux couples de
cavaliers y paraissent, le bassinet en tète, couverts de leurs écus et se
chargeant au galop, la lance en arrêt ; tous les chevaux sont couverts de
housses aux mêmes armoiries que les écus de leurs cavaliers. Ces armoiries sont
des fleurs, des croix, des chevrons, des animaux ; presque toujours deux
combattants se tournent le dos pour attaquer chacun leur adversaire. Il arrive
cependant quelquefois que deux cavaliers chargent du même côté. Sur toute cette
poutre, les seules couleurs employées sont le blanc, le rouge et le jaune. Tous
les contours sont formés d’un large trait noir. L’acier des casques, des cottes
de mailles, des brassards et des jambières, est représenté à l’aide d’une teinte
grise. Tout le champ de cette face de la poutre est blanc, mais parsemé de
rosaces rouges, comme le fond de l’autre face. Celle-ci présente tout ce que
l’imagination du peintre a pu enfanter de plus grotesque ; c’est une longue
procession d’animaux réels ou fantastiques, dans des attitudes variées. Les
animaux qui figurent les premiers tournent le dos à la muraille dans laquelle
sont percées les fenêtres. Les deux premiers sont un chat et peut-être un veau,
dressés sur leurs pattes de derrière. Le troisième semble un énorme verrat
moucheté de noir, mais à la tête tout à fait fantastique. Vient ensuite une
autruche, puis un renard, dressé sur ses pieds de derrière, marchant à la suite
d’un coq. Devant celui-ci paraissent trois animaux dressés sur leurs pattes et
que je ne reconnais pas. Celui du milieu, qui se distingue par une queue
monstrueuse, semble jouer avec un bâton. Ce groupe est précédé par un lièvre qui
porte un triangle entre ses pattes de devant, puis par un griffon tenant un
objet carré indéterminé entre ses griffes. Les deux animaux suivants sont fort
effacés ; on reconnaît cependant au premier des cornes énormes, et le second
semble jouer des cymbales ; vient ensuite une licorne portant un paquet sous la
patte droite de devant, peut-être est-ce une musette qu’elle tient ainsi. Un
singe marche devant et jette en l’air un bâton qu’il s’apprête à rattraper ;
puis paraît un renard qui tient un livre ouvert ; un veau marche ensuite et
tient un objet méconnaissable. En avant se voit un ours qui semble écouter avec
attention, un renard tourné de son côté et gesticulant dans une sorte de chaire
à prêcher ; un autre animal adossé à ce renard est aussi placé dans une chaire
et lève les pattes vers un animal fantastique, moitié lièvre, moitié daim, qui
s’appuie sur un long bâton et porte de la patte droite un calice élevé. Un
renard qui marche derrière celui-ci paraît le tenir avec une double corde. Plus
loin paraît, dans une tente et sur un lit de repos, un veau nonchalamment appuyé
sur les pattes de devant dont il se fait un oreiller ; puis un léopard qui
semble adresser la bienvenue à un énorme chien s’appuyant sur un bâton de voyage
et portant son paquet sur le dos. Vient ensuite un animal marchant aussi à
l’aide d’un bâton et entraînant derrière lui avec une corde un porc, qui semble
faire les plus grands efforts pour résister et pour s’accrocher aux pattes d’un
autre animal bizarre, qui paraît vouloir le retenir. Vient enfin un sanglier
enchaîné à une espèce de poteau.
nous reproduisons ici des documents décrivant ce
bâtiment avant qu’il fut amputé en 1904. Ce qui suit est une synthèse de divers
travaux que nous devons à M. de Saulcy.
Nous avons conservé l’esprit et la lettre de
l’auteur, n’opérant dans la synthèse que quelques modernisations du
français.
La salle capitulaire, ou réfectoire
des Templiers, qui était recouverte d’un plafond en bois peint et ornée de
fresques (dont parle de Saulcy ci-après), sera rasée en 1904. La chapelle
octogonale, située à une centaine de mètres, échappe à la destruction et se voit
reconvertie en magasin de poudre et de plomb. La chapelle était dès l’origine
entièrement peinte et la décoration actuelle est due au peintre Hermann Schaper.
Dans la seconde niche transformée en chapelle, on voit des traces de peintures
du début du 14e siècle : la Vierge montrant à un personnage agenouillé le Christ
en croix, un évêque et le martyre de plusieurs saints.
Elle est classée monuments historiques en 1840.
Elle échappera encore à la destruction en 1861 grâce à l’intervention de Prosper
Mérimée, alors inspecteur général des monuments historiques. Depuis 1990, elle
sert de salle d’expositions et peut être visitée.
La chapelle des
Templiers
Les chevaliers du Temple vinrent s’établir à Metz
dans la première moitié du 12e siècle ; mais on n’est pas parfaitement d’accord
sur la date précise de leur arrivée. Le chroniqueur messin par excellence,
Philippe de Vigneulles, s’exprime ainsi à leur sujet (manuscrit de la
bibliothèque) :
« Pareillement tant par après et durant
aussis la vie d’icelluy saint Bernard, c’est assavoir en l’un mil cent et xxiii
durant le règne du devant dit Henry l’empereur, Ve de ce nom, et du devant dit
Loys le Gros, roi de France, et d’Estienne, évesque de Metz, fuierent premier
fondés et establis les templiers et ceulx de l’hospital de Jhérusalem, lesquels
à cest heur présent y tienne le siège à Sainct-Jehan de Rhodes et furent ces
deux relligions de chevalliers en ce temps fuictes pour défendre la chrestienté
; mais depuis leste dicts templiers par leur desmerittes ont esté destruicts et
leur rente « et revenus donnés à ceulx dudict hospital, comme cy-après en aultre
lieu sera dict. »
Les pères bénédictins auteurs de L’Histoire
de Metz, D. Tabouliot et D. Jean François, se sont efforcés de démontrer
que cette date était fausse. « Il est notoire, disent-ils, qu’il n’exista
pas de templiers en France avant 1128, et que les deux premiers établissements
qu’ils possédèrent en occident leur furent concédés, l’un dans les Pays-Bas en
1129, l’autre dans le Languedoc en 1130. » Ils pensent donc qu’il y a une
erreur de dix années dans la date assignée par Philippe de Vigneulles, pour
l’établissement de l’ordre du Temple à Metz, et ils rapportent cet événement à
l’année 1133.
Cet oratoire est l’unique vestige de l’ancien
hospice des Templiers de Metz, hospice qui fut détruit en l560 pour faire place
à la citadelle que l’on construisit à cette époque sur le terrain occupé
autrefois par cet hospice, l’abbaye de Sainte-Marie et l’abbaye de
Saint-Pierre-aux-Dames ou aux Nonains. M. de Saulcy s’est proposé de décrire
successivement ce qui reste de ces trois maisons religieuses, et il a commencé
par l’oratoire des Templiers.
À leur arrivée dans cette ville, ils étaient si
pauvres qu’ils reçurent l’hospitalité d’Agnès, abbesse de Sainte Glossinde, qui
leur donna une humble chapelle sous l’invocation de Saint-Maurice, du
consentement de sa communauté. Mais bientôt ils devinrent assez riches dans ce
pays pour pouvoir y former un établissement plus convenable ; ils allèrent se
loger dans l’hospice qu’ils firent construire de leurs deniers dans
l’emplacement où, quelques siècles après, devait exister la citadelle ; et, vers
1260, ils cédèrent la chapelle de Saint-Maurice aux Augustin, qui l’occupèrent
jusqu’à la révolution. Vers 1319, après l’abolition de l’ordre, les biens qu’ils
possédaient dans Metz furent partagés entre les chevaliers de l’ordre teutonique
et ceux de l’ordre de Malte.
Deux cent quarante-sept ans plus tard, la ville
de Metz était tombée au pouvoir de la France ; M. de Vieilleville, qui
comprenait combien la possession de cette place importante était mal assurée
encore, fit sentir au roi la nécessité d’y construire une citadelle qui pût au
besoin contenir l’esprit indocile des Messins et rendre inexécutables tous les
projets de révolte. L’ordre qu’il sollicitait lui fut donné, et il se mit
aussitôt à l’œuvre. Trois maisons religieuses et deux cent cinquante habitations
particulières devaient disparaître pour faire place à la citadelle projetée ; ce
ne fut pas sans peine que ces diverses expropriations s’accomplirent ; les
travaux languirent donc jusqu’en 1560 et ce ne fut qu’en 1562 que M. de
Vadoncourt, gouverneur de la ville, vint prendre gîte à la citadelle.
Les trois maisons religieuses à renverser ou à
convertir soit en magasins, soit en casernes, étaient l’ancien hospice des
Templiers, l’abbaye de Sainte-Marie et celle de Saint-Pierre aux Dames ou aux
Nonnains. Parmi les bâtiments appartenant à l’ancien hospice des Templiers, M.
de Vieilleville choisit l’oratoire pour en faire une poudrière et une salle
capitulaire pour la transformer en salle d’arsenal. Je vais successivement
décrire ce qui reste de ces deux édifices.
Lors de la démolition des bâtiments appartenant à
l’ancien hospice des Templiers, le maréchal de Vieilleville conserva une
chapelle pour servir de magasin à poudre.
À l’extérieur, cet oratoire ne présente aucun des
caractères des chapelles que l’on est convenu d’appeler gothiques. Il se compose
de trois parties distinctes, de hauteurs décroissantes, dont la première est un
prisme octogonal rachetant un prisme rectangulaire qui lui-même rachète un
demi-cylindre. L’octogone représente la nef. Les deux autres parties composent
le sanctuaire ou le chœur qui était séparé de la nef par une balustrade ; à
droite de celle espèce de chœur, est pratiqué, dans l’épaisseur de la muraille,
un petit réduit qui servait sans doute de sacristie à l’officiant. La partie
cylindrique rachète la voûte d’arête qui la précède par une demi-voûte en tour
ronde. Des jours ou fenêtres étaient pratiqués sur cinq des faces de l’octogone,
aux parties latérales et à l’extrémité du chœur.
La longueur totale de l’édifice, dans l’œuvre,
est de 12m8o ; la largeur de l’octogone, prise aussi dans œuvre, comme les
dimensions suivantes, est de 8m30 ; la largeur du chœur n’est que de 2m8o ; le
rayon du rond-point extrême est de 1m40 ; le réduit, qui paraît avoir été une
sorte de sacristie, offre une longueur de 1m40 sur 0m80 dans sa plus grande
largeur ; les colonnes de la nef ont 6m de hauteur, chapiteaux non compris ;
celles du chœur ont, les premières 4m, et celles du fond 3m60 de hauteur.
Nous allons maintenant décrire succinctement les
diverses espèces d’ornements qui rendent ce monument fort remarquable.
À l’extérieur, toutes les arêtes du prisme
octogonal sont garnies de soutiens engagés de pierres de taille présentant une
sorte de pilastre en saillie d’environs 0m15 sur les faces du mur d’enceinte.
Ces soutiens montent jusqu’au cordon servant de corniche avec lequel ils se
raccordent. La corniche s’appuie dans tout le pourtour de l’octogone sur des
corbeaux en pierre de profil, et de dimensions variées, mais sans aucune trace
de sculpture ; ces corbeaux ne se remarquent pas à l’extérieur des deux
divisions de l’abside. Les toits sont modernes, à l’exception du toit conique
qui recouvre l’extrémité du chœur. Celui-ci est en pierres de taille et surmonté
d’une boule appliquée contre la face antérieure du prisme rectangulaire.
Le bâtiment tel qu’il était visible au 19e
siècle
Jusqu’ici le monument est d’une austère
simplicité, et l’on ne remarque rien de plus que le strict nécessaire. Mais
l’entrée présente dans sa construction des superfétations dont il est impossible
de se rendre compte. Un large cordon au cintre surbaissé s’appuie sur la face
d’entrée et sur un contrefort recouvrant l’arête de droite de cette face. Ce
cordon cintré, en outre de ses pieds droits naturels des arêtes extrêmes,
s’appuie de plus sur deux cordons en saillie, s’élevant à droite et à gauche de
la porte d’entrée, et dont celui de gauche présente un coude brusque à sa partie
supérieure sans que l’on puisse deviner le motif de cette inflexion. La porte
d’entrée est rectangulaire et fort basse. Au-dessus paraît la croix pâtée des
Templiers. Il est évident, au simple coup d’œil, que toutes ces constructions
sont de la même époque.
Porte de la Chapelle
Sur la face latérale de gauche sont appliqués
deux massifs de maçonnerie terminés angulairement et évidés par des arcades
ogivales tonnées de quatre arcs de cercle aboutés s’appuyant sur d’élégantes
petites colonnettes dont les chapiteaux gracieux indiquent, comme l’espèce
d’ogive employée, une époque assez récente. Il n’est pas invraisemblable que ces
deux arcades aient été des abris pour quelques tombes des dignitaires de
l’ordre.
En pénétrant dans cet oratoire, on se trouve avec
un vif plaisir dans un charmant temple gothique dont la conservation est
parfaite et l’ensemble d’un effet très gracieux. Huit colonnes engagées, de 0m40
de diamètre, qui décorent la nef octogonale, vont concourir sur la circonférence
d’un médaillon formant clef de voûte, et sur lequel paraît un oiseau planant
représentant sans doute le Saint-Esprit. Ces colonnes sont, par leur style,
d’une époque évidemment antérieure à l’usage des deux styles élancés que M. de
Caumont, dans son travail sur l’architecture religieuse du moyen âge, nomme
gothique à rosaces et gothique flamboyant. Elles sont certainement du style des
monuments de transition qu’il désigne comme caractérisant le passage du plein
cintre à l’ogive. Les chapiteaux des colonnes de ce petit monument sont tout à
fait de cet ordre transitoire ; ils présentent encore les ornements qui
distinguent les chapiteaux de l’architecture romane ou à plein cintre.
Colonne
Le chœur est séparé de la nef octogonale par une
double ogive portant sur 4 colonnes de beaucoup moindre dimension que celles qui
garnissent la nef. Ici l’architecte, pour masquer l’exiguïté de sa construction,
en aidant le jeu de la perspective, a réduit vers le fond l’élévation de sa
voûte d’arête. Une simple ogive semblable raccorde les deux parties du chœur.
Ces colonnes sont aussi romanes et engagées dans la muraille. Les nervures de la
voûte d’arête viennent aboutir à un médaillon en clef de voûte offrant un agneau
nimbé qui supporte une croix. Ici se présente une bizarrerie peut-être sans
exemple ; les nervures de cette voûte ne servent que d’ornement ; car, au lieu
d’assurer la voûte en s’appuyant sur les colonnes des angles, elles viennent
prendre naissance dans l’aisselle des chapiteaux de ces colonnes et ne
s’appuient sur rien.
Clé de voûte
L’intérieur de l’oratoire des templiers de Metz
était garni de peintures à fresque à l’eau d’œuf, comme l’étaient généralement
les édifices religieux à l’époque de sa construction ; mais elles ont été
entièrement recouvertes par le badigeon moderne qui n’en laisse voir de traces
que sur deux colonnes : on y aperçoit trois larges zones de petits carrés de
couleurs alternées disposées en damier à des hauteurs différentes sur le fût de
la colonne ; les intervalles de ces zones étaient décorés de tiges de lierre
grimpant en hélice le long de la colonne.
Colonne
Ainsi que nous l’avons déjà dit, à en juger
d’après les caractères architectoniques, l’oratoire des templiers de Metz doit
avoir été élevé de 1150 à 1250. C’est un exemple de l’architecture de transition
qui a servi de passage du plein cintre à l’ogive élégante et svelte du 14e
siècle. La forme octogonale qu’il présente se rencontre dans quelques monuments
de la même époque, entre autres dans le fameux octogone de Mont Morillon, dont
se sont tant occupés les archéologues, et qui, après avoir été longtemps regardé
comme un temple druidique, est aujourd’hui généralement reconnu pour une
chapelle sépulcrale construite vers le 12e siècle.
***
Je passe actuellement au second magasin dont j’ai
parlé plus haut.
On y remarque une série de curieuses peintures à
la fresque dont j’ai le premier signalé l’existence, et qui méritent d’être
décrites en détail. La salle qui les renferme se trouvant éloignée d’une
centaine de mètres de l’oratoire du Temple que je viens de décrire, et étant
d’ailleurs beaucoup plus rapprochée de l’église de Saint-Pierre aux Nonnains, je
n’aurais pas hésité à y reconnaître soit un réfectoire, soit une salle
capitulaire des nonnes de Saint-Pierre, si les sujets guerriers ou grotesques
qui font partie des peintures ne m’eussent tout naturellement porté à admettre
que cette salle a fait jadis partie de l’hospice des chevaliers du Temple. Je
puis néanmoins me tromper eu lui attribuant celte origine, et je me garderai
bien de rien avancer de positif à cet égard.
Quoi qu’il en soit de l’origine de la salle en
question, elle porte à l’arsenal le nom de Magasin au plomb. Elle est longue
d’environ 9m50 sur 8 de large. Elle est éclairée par deux fenêtres à cintres
surbaissés en anse de panier à l’intérieur, et présentant à l’extérieur des
baies rectangulaires couronnées d’ogives tréflées accouplées deux à deux ; ces
fenêtres sont contemporaines des peintures puisqu’elles s’en trouvent revêtues
sur leurs ébrasements, leurs linteaux et les meneaux qui les divisent
longitudinalement. Le plafond n’est autre chose que le plancher de l’étage
supérieur supporté par un système de petites poutrelles transversales, que
soutient une maîtresse poutre de 0m50 d’équarrissage, appuyée sur les murs
extrêmes et sur une colonne en pierre qui la soutient au milieu de la
portée.
L’ancienne face d’entrée située au fond actuel de
la salle, laisse voir une porte basse condamnée et présente des traces de
fresques, trop endommagées pour qu’on puisse les étudier. Les trois autres faces
sont heureusement mieux conservées. À partir de la porte actuellement en
service, le premier trumeau ne présente plus rien. Au deuxième on reconnaît la
tête d’un ange, les ailes éployées, et qui devait être à très peu près grand
comme nature. Ce qui reste du buste est vêtu d’une robe bleue ; au-dessus de la
tète on voit une arcade interrompue dans sa partie supérieure par la trace d’un
petit édifice surmonté de deux tourelles et qui recouvre tout le reste du
trumeau jusqu’à la frise. Entre les deux fenêtres était une ouverture en plein
cintre, condamnée lors de la transformation de la salle en magasin, et qui
peut-être fut autrefois une niche ; le trumeau de droite présente une longue
figure roide et plate de la Vierge, placée aussi au-dessous d’une arcade peinte,
appuyée sur deux colonnettes et interrompue par la continuation de l’édifice à
tourelles avec clochetons qui paraît au-dessus de la figure d’ange dont je viens
de parler. La tête de la Vierge est nimbée ; de la main gauche elle tient un
livre et de la droite elle semble bénir. Elle est vêtue d’une robe bleue et d’un
manteau rouge, ses pieds reposent sur un carreau ; à droite et à gauche dans le
champ sont disséminées des rosaces rouges.
Le trumeau de droite de cette deuxième fenêtre
présente aussi une figure nimbée à longue barbe, entièrement vêtue de bleu ;
elle porte de la main droite une épée et tient la gauche levée. C’est évidemment
la figure de saint Pierre, dont la présence fournirait au besoin un argument en
faveur de l’attribution de cette salle à l’ancienne maison de Saint-Pierre aux
Nonnains.
Ici encore même arcade, même dessin supérieur,
mêmes rosaces qu’autour de la figure de la Vierge et de toutes celles dont les
descriptions vont suivre.
La longue face de gauche, recouverte de treillis
et d’entrelacs rouges et jaunes, porte dans sa longueur cinq grandes figures
plus ou moins endommagées, mais absolument du même stylo que celle de la Vierge.
Toutes se trouvent placées sous des arcades supportées par des colonnettes qui
séparent du fond des sortes de niches entourant les figures. Entre ces niches
les trumeaux sont recouverts d’entrelacs différents qui se reproduisent dans le
même ordre à partir du quatrième.
La première figure, nimbée comme toutes les
autres, porte le livre des Évangiles de la main droite et semble le montrer de
l’index de la main gauche. Elle est vêtue d’une robe rouge et d’un long manteau
bleu ; elle a une barbe fortement développée.
La deuxième est imberbe. Il serait difficile de
décider si c’est une femme ou un homme. Sa main droite est élevée pour bénir, et
la main gauche tient un objet endommagé qui probablement est encore le livre des
Évangiles. Le saint personnage a les pieds nus posés sur le dos d’un dragon.
La troisième est dans la même attitude que la
première et vêtue de même. Sa face est jeune et imberbe et, comme pour la
précédente, il est impossible d’en deviner le sexe ; elle a aussi les pieds nus
et posés sur le dos d’un animal méconnaissable.
La quatrième, dont la partie supérieure est
détruite, a les pieds appuyés sur un quadrupède grossièrement dessiné.
De la cinquième on ne reconnaît plus que quelques
traits de la draperie.
Sur tout le pourtour des murs règne à la partie
supérieure une frise assez élégante composée d’énormes feuilles de chêne, sur
lesquelles s’appliquent de longues feuilles d’acanthe repliées en volute. Cette
frise d’un effet gracieux a disparu en mainte place ; mais ce qui en reste
suffit pour faire voir que l’artiste n’a pas cherché à en varier le tracé ; elle
est comprise entre deux larges zones d’un jaune sale, ondulées extérieurement et
s’appuyant sur un fond brun. La frise monte jusqu’à la face inférieure des
poutrelles. À partir de là jusqu’au plancher supérieur, le mur est blanc, mais
les intervalles compris entre chaque paire de poutrelles sont garnis de petits
sujets peints, dont le plus grand nombre est aujourd’hui méconnaissable. L’un
d’eux représente un porc accroupi, auprès duquel est placée une figure rougeâtre
qu’on ne peut reconnaître. À droite et à gauche sont figurées en rouge des tiges
de plantes.
Un autre représente un tonnelier cerclant une
futaille. Sur d’autres on voit un tonneau et un grand verre à boire ou calice. À
l’exception de la frise et des petits sujets que je viens d’énumérer, la longue
face de droite a subi de telles détériorations qu’il serait superflu de
rechercher ce qu’elle a pu représenter jadis. Au-dessous de la frise paraissent
cependant quelques traces d’un treillis rouge dont les carreaux contiennent la
figure d’une plante à cinq tiges. On y distingue aussi les toitures de quelques
édifices garnis de tourelles et de créneaux. Ce qui subsiste étant tout à fait
analogue à la partie supérieure de la face opposée, il y a tout lieu de croire
que des figures de saints garnissaient aussi cette partie de la salle.
Les faces inférieures des poutrelles ont été
peintes, mais sans régularité. Ainsi la première offre de longues taches
alternées sans symétrie, présentant des losanges ou des chevrons bruns et
jaunes. La deuxième est couverte d’un long ruban blanc bordé de brun et
interrompu par des lignes bleues. À la troisième, les taches brunes et jaunes
reparaissent ; quant aux suivantes il n’est plus possible de discerner les
ornements peints qu’elles ont reçus. La neuvième cependant laisse deviner le
même bariolage blanc et bleu bordé de brun, remarqué sur la deuxième ; ce qui du
reste mérite d’être signalé, c’est que ces poutrelles sont informes et plus que
grossièrement équarries.
Fresque de chevaliers
Telle est la série des scènes burlesques que le
peintre a placées sur cette poutre. Ces représentations avaient-elles une
signification mordante, ou ne sont-elles que les fruits d’une imagination
capricieuse d’artiste? Je laisse à de plus habiles le soin de le décider. J’ai
dû me borner à recueillir des croquis de ces curieuses peintures que je suis
heureux de signaler à l’attention des amis de l’archéologie du moyen âge.
Fresque 1
Fresque 2
Fresque 3
Par M. De Saulcy.
L’Institut Journal des académies et sociétés
scientifiques de la France et de l’étranger, 2e section, tome I, Paris,
1836.
Revue d’archéologie ou recueil de documents
et de mémoires, Paris, 1848 (pages 605 et suivantes).
Bibliographie :
— Ernest de Boutillier, « Sur les tombeaux
découverts près de l’oratoire des Templiers de Metz », dans Bulletin de la
Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle, t. 4, 1861, p.
46-48.
— Ernest de Boutillier, « Sur l’oratoire de
Templiers à Metz », dans Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire
de la Moselle, t. 7, 1864, p. 151-154.
— François Jacquot, « L’oratoire des Templiers de
Metz » dans la Revue de Metz et de Lorraine, février, mars, avril, mai
et juin 1873
— Amédée Boinet, « Chapelle des Templiers » dans
Congrès archéologique de France. 83e session. Metz, Strasbourg et
Colmar. 1925.
— Eugène Voltz, « La Chapelle des Templiers de
Metz » dans la revue Archeologia nº 56, mars 1973, p. 24-31.
— Marie-Claire Burnand, « La Lorraine gothique »,
Picard Éditeur, Paris (France), (ISBN 2-7084-0385-0), 1989.
— Eugène Voltz, « La chapelle des Templiers de
Metz », dans Congrès archéologique de France. 149e session. Les
Trois-Évêchés et l’ancien duché de Bar. 1991, p. 517-524, Société française
d’archéologie, Paris, 1995.
http://www.esoblogs.net/7724/la-chapelle-templiere-aujourdhui/
http://www.esoblogs.net/7709/notice-sur-loratoire-des-templiers-de-metz/
http://www.esoblogs.net/7709/notice-sur-loratoire-des-templiers-de-metz/