1906 André baron (louis daste)
les sociétés secrètes
Les
rites
évocatoires capables de provoquer les apparitions des êtres de
l’Au-Delà, la
magie, la sorcellerie, tel est le fond de la Franc-Maçonnerie
des Elus Cohens
fondée par le juif portugais Mar[268]tinès de Pasqually qui
broda sur la
trame swedenborgienne[1].
Voici
ce qu’écrit
à son sujet le Grand Maitre actuel des Martinistes
« En
1754, Martinès de Pasqually, initié aux Mystères de la
Rose-Croix, avait établi
à Paris un centre d’Illùminisme. Le recrutement des Frères
était très
méticuleux et les travaux poursuivis portaient sur l’étude de
la Magie, sur le
rituel des évocations d’esprit. » (De l’État des Sociétés
Secrètes l’époque
de la Révolution Française, par Papus, Président du Suprême
Conseil de l’Ordre
Martiniste, Délégué Général de l’ordre Kabbalistique de la
Rose-Croix, Paris,
1894, p. 7).
Dans
un
autre ouvrage de M. Papus, L’Illuminisme en France Martinès de
Pasqually, sa
vie, ses pratiques magiques1[2]…,
se trouvent des lettres extrêmement curieuses de Martinès. De
deux d’entre elles,
il résulte qu’il pratiquait ou affectait de pratiquer le
Catholicisme, ainsi
que les Albigeois et certains Israélites espagnols et
portugais faussement
convertis.
« Je
vous fais part, T (rès) P (vissant) Maitre, écrit Martinès à
l’un de ses
adeptes, que le fils que Dieu m’a donné a été reçu Grand
Maitre Coën le
dimanche dernier après son baptême à la 7e heure du
dernier horizon solaire,
conformément à nos lois, assisté par quatre de mes anciens
coëns simples nommés
ci-dessus. » (Lettre du 20 juin 1768, v. M. Papus, loc. cit.,
p. 27).
[269]
Dans
l’autre
lettre (du 23 janvier 1769), où se trouve aussi un passage
ayant trait à la religion
de Martinès, sont narrées les péripéties singulières de la
grande trahison du Maitre
du Guers, un adepte qui essayait de se faire passer pour le
seul Grand-Maître
de l’Ordre Martiniste,
« Les
opérations[3]
1 »,
nous dit M. Papus, avaient, parait-il, manifesté par des
signes patents l’indignité
de du Guers qui s’était retiré hors séance « couvert de honte
et de
confusion ». (M. Papus, Martinès. p. 35).
Ce
du
Guers semble bien être l’un de ces trafiquants de grades
maçonniques qui
pullulaient à cette époque. Martinès l’habille de la belle
façon « Ce
monstre, dit-il, fit un complot entre plusieurs polissons et
autres Maçons que j’avais
chassés jadis de mon ancien Temple pour surprendre la mauvaise
foi de Messieurs
les Magistrats et leur justice par de fausses accusations
qu’il porta contre
moi... (même lettre Martinès. p. 36).
« …
Voyant
que cet homme persistait à faire des démarches pour tâcher de
me nuire… en
vérité, je ne pus m’empêcher de dévoiler à MM. les magistrats
mon escroc et mon
chevalier errant. Je détaillai à M. d’Arche, jurat, les motifs
qui avaient
engagé cet homme d’agir aussi atrocement, soit contre moi,
l’ordre ou ses
principaux chefs. Sur mon exposé, M. d’Arche l’envoya chercher
et lui fit
part qu’il l’avait renvoyé ci être jugé par devant notre
tribunal secret, et qu’étant
accusé de vives prévarications dans l’Ordre, il ne convenait
point faire de conflit
de juridiction… » (même lettre Martinès. p. 38).
[270]
M. Papus
admire « cette sentence d’un juge qui reconnaît la validité.
d’un tribunal
secret ». Il nous est impossible de, partager son admiration…
Il fallait,
nous semble-t-il, qu’il y eût quelque chose de pourri en
France, pour qu’un
magistrat pût, rendre avec cette inconscience un arrêt de
cette espèce !
un arrêt légalisant parle fait une sentence attendue d’un
tribunal occulte, qui
fonctionne au sein d’une Société Secrète dont l’existence même
était un défi
aux lois, aux « justes lois », comme dirait le F (Joseph
Reinach !
« Ce
qui fut dit fut fait, (continue le triomphant Martinès) ; nous
lui fimes
son procès et fut donné arrêt par le tribunal secret le 5
janvier 1769… Le
lendemain au matin, je fus moi-même porter l’arrêt à M.
d’Arches à qui je fis
la lecture qu’il trouva bien et digne des prévarications de
cet homme inique.
(id. – loc. cit., p. 39).
Nous
venons de voir un juge extraordinaire ; voici venir un Curé
d’une naïveté
lamentable :
Enfin,
(poursuit Martinès), cet homme se voyant définitivement
découvert, s’en fut
avec sa clique chez le Curé de ma paroisse lui dire que
j’étais un apostat, et
que j’enseignais, sous prétexte de Maçonnerie, une secte
contraire à la religion chrétienne[4]1.
Ayant eu vent de cela, je me transportai chez mon curé et lui
demandai ce qui
avait été dit de la part de ce drôle contre moi. Il ne m’en
fit point mystère,
il me dit tout. Et je lui fis voir qui j’étais dans ma
religion, mes
certificats de catholicité et mes devoirs exacts et essentiels
d’un zélé
chrétien et il fut convaincu de la vérité que je [271] lui
dis, de même que du
faux exposé de ce monstre. »
(Id.
loc.
cit., p. 39).
Nous
verrons plus tard si le curé bordelais avait raison de
considérer comme un bon
catholique le Kabbaliste Martinès. En attendant, nous voici
arrivés à un
passage admirable, où la Magie martiniste se montre sous un
jour particulier :
« Lorsqu’il
fut entièrement informé de l’un et de l’autre, cet escroc
imposteur, voyant qu’il
ne pouvait réussir en ses forfaits, il prit le parti de venir
chez moi un jour
que j’étais en campagne chez M. de Brulle, garde du Roi, notre
émule, pour
tâcher de faire sentir aux P (uissants) Maîtres de Grainville
et de Balzac la douleur
qu’il ressentait d’avoir perdu leur amitié et estime, et qu’à
moi il aurait où
il me tuerait d’un coup de pistolet. Mon ange tutélaire le
suivait pour lors pour
pisser dans le bassinet (sic)…
Cet
inique
fut s’affilier dans des loges bâtardes et apocryphes » (Lettre
de Martinès
– 23 janv. 1769 Martinès... p. 40).
On
conçoit
que pour avoir à leur service des Esprits aussi avisés que
« l’ange
tutélaire » de Martinès, les Elus Coëns ne devaient reculer
devant aucune
opération magique si pénible, si étrange, si effrayante qu
elle fût. »
Les opérations magiques des Martinistes.
Arrivons
au cœur de la sorcellerie des Martinistes leur chef actuel
s’exprime comme il
suit dans l’ouvrage (cité tout à l’heure) qu’il a consacré en
première ligne à
Martinès de Pasqually [272] et en deuxième ligne Claude de
Saint-Martin et à
Willermoz, les deux autres grands Apôtres du Martinisme :
« Entrer
en communication avec l’Invisible, tel est le premier résultat
obtenu par l’Illuminé
(Martinès… Papus, p. 73.)
« Martinès…
initia progressivement Willermoz, mais ce n’est qu’avec un
respect mêlé d’effroi
qu’il parlera de cette influence spirituel, de cette action du
Monde Invisible
que le pauvre disciple (Willermoz) mettra tant d’années à
percevoir, de ce
grand Mystère toujours désigné sous le nom énigmatique de « la
Chose ».
Martinès… Papus, p. 73)[5]1.
Dans
les
premières séances, les nouveaux disciples admis à prendre part
aux travaux du Maitre
verront la Chose accomplir de mystérieuses actions, dit encore
le Gr. M. actuel
du Martinisme. Ils sortiront de là enthousiasmés et terrifiés,
comme
Saint-Martin, ou ivres d’orgueil et d’ambition comme les
disciples de Paris[6]2.
Précisant
encore, le Grand Maitre du Martinisme moderne ajoute :
« Des
apparitions se sont produites, des êtres étranges d’une
essence différente de
la nature humaine terrestre ont pris la parole et proféré de
profonds
enseignements, et chaque disciple est appelé à reproduire seul
et par lui-même
les mêmes phénomènes (p. 74).
« Les
expériences, commencent mais on veut aller [273] trop vite, on
veut éviter les
entraînements fatigants, et tout échoue. Alors, on accuse le
Maitre, on s’en
prend à Martinès des insuccès et des déboires, et Martinès
répond très
sincèrement « Mais, cher Maitre, si c’était moi qui dirigeais
le monde
invisible, ma plus grande ambition aurait été de vous
satisfaire. Mais que
puis-je vous dire ? « La Chose » demande des preuves sûres et
très
sérieuses d’un dévouement sans borne. Le jour où vous en serez
digne, les
phénomènes viendront. »
C’est
en
effet ce qui se produit, et nous devons louer sans réserve
l’opiniâtreté de
Willermozqui mit plus de dix années à obtenir des faits
probants, alors qu’au bout
de deux ou trois années d’études, la plupart des autres
disciples étaient
satisfaits.
Les
pratiques enseignées par Martinès, ajoute M. Papus, dérivent
uniquement de
la Magie cérémonielle. (M. Papus, Martinès, p. 73, 74).
Une
lettre
de Martinès à Willermoz, le haut franc-maçon lyonnais, qui fut
le plus
énergique propagateur du Martinisme, est bien curieuse la
voici, datée du 16
février 1770 :
…
Les
visions sont blanc, bleu, blanc rouge clair enfin elles sont
mixtes ou toutes
blanches, couleur de flamme de bougie blanche, vous verrez des
étincelles, vous
sentirez la chair de poule partout votre corps tout cela
annonce le principe de
la traction que la Chose fait avec celui qui travaille. Tâchez
T (rès) C (her) Maitre,
de vous procurer quelqu’une de ces choses puisque de simples
émules que j’ai
sous l’ordination du Grand Architecte voyaient de nuit et de
jour, sans lumière
ni bougie ni autre feu quelconque ; cela ne me surprend point
d’eux parce qu’ils
sont entièrement donné a la Chose et ordonnés en règle ; en
cela ils vous font
passer leurs certificats de vision faits et signés de [274]
leur propre main,
pour que vous soyez convaincu de leur succès dans l’Ordre ils
sont quatre :
le premier, le frère de Hauterive, gentilhomme ancien
capitaine du Roy, l’autre
est le frère Defore, second capitaine de l’artillerie, et
l’autre, le frère
Defournier, ancien bourgeois vivant de ses revenus de
Bordeaux, neveu du grand-prieur
des Augustins de Paris. Si le frère baron de Calvimont était
ici, il aurait
également donné son certificat, mais il le donnera dès son
retour de ses terres[7]1…
(Papus, Martinès, p. 92, 93).
[1] Cf. ouvrages de Papus, mais il est
impossible de prouver
la véracité du fait et tous les éléments semblent infirmer
un lien entre
Swedenborg et Martinès.
[2] 1. Paris. 1895.
[3] 1. Ces opérations n'étaient
autres que celles des
rites de magie évocatrice.
[4] 1. Du Guers, « cet homme inique », paraît bien
renseigné.
[5] 1. Page 113 du même ouvrage
martiniste, nous
verrons que la Chose était une Apparition que Willermoz
appelait « l'Agent
inconnu chargé du travail de l'Initiation. »
[6] 2. N'est-il pas singulier de voir, à la veille de la
Terreur, des fantômes
spirites exalter les fureurs révolutionnaires ?
[7] 1. Nous croyons avoir trouvé
trace de cet « Elu
Cohen », baron de Calvimont: ses terres se seraient
trouvées à Castandet
(Landes). (A. B.)