Parution
aux Editions de La Tarente de l'ouvrage de Jean-Louis
Ricard, L'Initiation par l'intime consacré à
l'œuvre de Louis-Claude de Saint-Martin.
Les
travaux sur le Philosophe Inconnu sont peu nombreux. A ne pas manquer
par conséquent.
Vous
en trouverez ci-joint une présentation.
Fort
peu nombreux sont les travaux universitaires consacrés à l’œuvre
de Louis-Claude de Saint-Martin. Depuis Robert Amadou, Jean-Louis
Ricard est
l’un des rares chercheurs à étudier les écrits du « Philosophe
Inconnu » dans le cadre de l’Université. Le grand intérêt de sa
démarche est d’avoir choisi l’entrée littéraire pour pénétrer
les écrits du philosophe d’Amboise. Cette approche nous renvoie à
la relation entre une Tradition que l'on dit, parfois même
abusivement, orale, et l'écrit. Le livre d'Énoch nous annonce que
ce sont les anges mauvais qui ont enseigné l'écriture aux hommes.
Cependant, très tôt, l'écrit a permis de codifier les traditions,
les rites en particulier, de véhiculer les doctrines, les
cosmogonies, les philosophies, les théurgies, les magies, afin
qu'elles ne se perdent pas. Souci de préserver. Souci de
transmettre, même si l'écrit traditionnel demeure soumis, presque
dans tous les cas, au nécessaire éclairage direct de la parole, du
commentaire, de sa mise en scène opérative dans la conscience par
le jeu de la mémoire. Loin de s'opposer, oral et écrit se
complètent, se marient en un subtil alliage dans la plupart des
traditions, pour servir la Tradition. Nous savons aujourd'hui le
désastre que constitue la disparition ou la destruction des textes
traditionnels. Mais, nous parlons ici de littérature et non d'écrit.
Tous les textes traditionnels n'appartiennent pas à la littérature
notamment quand ces écrits sont des aide-mémoires, des manuels
pratiques, de véritables guides permettant au pratiquant de vivre sa
spiritualité à l'intérieur d'une tradition donnée et de partager.
Au contraire, certains textes traditionnels relèvent de la grande
littérature, mais aussi toutes les poésies crépusculaires qui
veulent transcrire
l'indicible ou dévoiler l'arcane en le voilant, et encore les contes
et métaphores porteurs d'enseignement traditionnel, voire de
techniques et surtout de paradoxes salutaires. Si le silence ne
s'établit pas, comme véritable mode de transmission, c'est alors le
mot qui sera le médiateur agréé pour transmettre, le mot comme
signe puis le mot comme symbole. Avec Aristote, le mot devient la
représentation collective qui est attachée à ce mot,
représentation que les linguistes et autres grammairiens ne feront
que spécialiser en le précisant. Le mot devient un symbole de cette
représentation collective. Après Aristote qui reste un mystagogue
authentique de la grande tradition antique et qui, mis à part
quelques dérives, demeure très platonicien, la théorie
aristotélicienne devient anti-traditionnelle. Platon, mais aussi les
présocratiques et, après Platon, nombre de philosophes, en premier
lieu les occultistes et les hermétistes, ont un autre rapport au mot
que le Cratyle aborde
en ces termes : "Cratyle a raison de dire qu'il existe des noms
naturels aux choses et que tout homme n'est pas un artisan de noms,
mais l'est celui-là seul qui considère quel nom est naturellement
propre à chaque chose et qui sait en reproduire l'Idée dans les
lettres et les symboles." Nous retrouvons là le principe de la
Parole perdue des Francs-maçons, mais aussi Arthur Rimbaud et ses
célèbres voyelles. Il existerait un lien intrinsèque entre le mot
et l'Idée. Saint-Martin défendra la thèse que "le désordre
du monde vient peut-être de la méconnaissance - ou de l'oubli - du
vrai nom de tout objet." A ceux qui douteraient de la qualité
d’écrivain du théosophe, rappelons Le Crocodile ou la guerre du
bien et du mal arrivée sous le règne de Louis XV,
ouvrage
singulier dans l’œuvre, riche et complexe, de Louis-Claude de
Saint-Martin. Le philosophe d’Amboise devait, avec ce livre qui
relève du genre fantastique, surprendre aussi bien ses émules que
le lecteur occasionnel. Robert Amadou, qui signa la préface à la
deuxième édition du Crocodile, en 1962, après le trop long silence
qui suivit l’édition première de 1799, parle d’un livre deux
fois « insolite », par le genre et par sa place au sein de la série
des essais de Louis-Claude de Saint-Martin. Le Crocodile
est souvent
sous-estimé, voire ignoré, par des lecteurs peu habitués à la
confrontation avec un texte de forme à la fois poétique, épique et
magique. Le texte déroute, c’est sa force. Le livre dérange,
conduit hors des sentiers battus de l’initiation et révèle en
contre-jour ou en pleine lumière les vérités auxquelles, sa vie
durant, le philosophe inconnu s’est consacré. Enigmes et
allégories, cocasseries même, portent un enseignement étrangement
moderne. En effet, de tous les livres de Louis-Claude de
Saint-Martin, il est sans doute celui qui nous semble d’emblée le
plus contemporain. Car la lutte mise en scène par Saint-Martin, qui
se passionna pour la Révolution dont il attendait beaucoup, trop en
réalité, représente le combat entre deux principes, l’un de
morcellement, l’autre de retour à l’Un, à l’œuvre dans
l’infinie création depuis la Chute, comme au sein de chaque
individu. Le Crocodile dénonce
aussi les errances des « instituteurs », des porteurs de la pensée
moderne en cette fin de XVIIIème siècle dont Philippe Muray1
dans un livre
magistral nous dit qu’il perdure peut-être encore de nos jours
après « la crise religieuse du XIXème siècle » dans un étrange
« socialoccultisme ». Cette capacité de Louis-Claude de
Saint-Martin de s’inscrire dans un genre littéraire très
différent de celui auquel il a habitué ses lecteurs, généralement
avertis, au risque de dérouter, nous alerte. Nous avons affaire à
un véritable écrivain qui justifie amplement les choix inauguraux
et méthodologiques de Jean-Louis Ricard. 1Le
XIXème à travers les âges de
Philippe Muray, Editions Gallimlard. Paris, 1999.
Sommaire
: Introduction : Régénération et création littéraire chez
Louis-Claude de Saint-Martin. Première Partie : La philosophie
mystique de Louis-Claude de Saint-Martin sous la Révolution
Française – Étude et réflexion sur les premiers pas de la
carrière d’écrivain de Louis-Claude de Saint-Martin –
L’engagement du philosophe Inconnu dans l’époque des Lumières
et de la Révolution Française – Le Crocodile, ou la guerre du
bien et du mal, ouvrage témoin de l’époque révolutionnaire.
Deuxième partie : Théurgie, initiation et quête d’une écriture
sublime Nombres, théurgie et écriture – Écriture et théurgie,
vers une quête libératrice – Les techniques de l’écrivain, ou
la quête d’un accès au sublime. Troisième partie : Régénération
et philosophie hermétique, la quête de l’immortalité – Du
mythe de la régénération à l’influence de la philosophie
hermétique dans l’œuvre de Saint-Martin – Le processus de
régénération et les quatre temps du Grand Œuvre chez Saint-Martin
– De
la transfiguration du Corps à l’érotisme, au sentiment
d’immortalité. Conclusion. https://latarente.fr